1995
Octobre 1995: après les Andes, retour au Népal, tout de même plus verdoyant! Terres d'Aventure organise une expédition au “Fluted Peak”, alias Singu Chuli, un belvédère de 6500 m. au cœur du massif des Annapurnas. Je retrouve Katmandou toujours aussi animé et peut-être moins misérable (ou n'est-ce qu'une impression?) Toujours est-il que les rues sont propres et illuminées pour la “fête de la lumière” alors qu'il y a peu les coupures de courant étaient le lot commun. Dès le lendemain, nous partons pour Pokhara: 200 km de route au macadam impeccable, avalés en un temps record, moins de quatre heures. En ces temps de fête nous sommes seuls sur la route. La chaîne des Annapurnas se déploie dans toute sa splendeur au-dessus de la plaine de Pokhara, avec en son centre le sommet caractéristique du Machhapuchhare, ou queue de poisson: le Cervin de l'Himalaya (enfin un Cervin multiplié par trois dans toutes les dimensions).
La “caravane” se met en marche à travers rizières et bambous; caravane plutôt réduite d'ailleurs, car les six members et le guide ont choisi de voyager léger, trouvant le gîte et le couvert dans les nombreux lodges qui jalonnent cet itinéraire très touristique (spécialités culinaires: pizzas, röstis, chaussons aux pommes). Après quelques jours la vallée se resserre, entre le Hiunchuli et le Machhapchhare; rhododendrons, bambous, re-rhododendrons et nous abordons le Sanctuaire des Annapurnas. Nous voyons enfin dans son ensemble la gigantesque face sud de l'Annapurna (quatre mille mètres e la base au sommet). Nous établissons notre camp de base à 4500 m. dans un des vallons du Sanctuaire, au pied de la face est du Singu Chuli. Il est maintenant urgent d'attendre que l'acclimatation produise ses effets. Le camp 1 est établi sur la moraine à 5200 m.; retour au camp de base, re-camp 1, camp 2 à 5900 m. pour ceux qui tiennent encore le coup. En fonction de la forme ou de la méforme de chacun, nous nous croisons et re-croisons sur la montagne, en essayant de porter un peu de ravitaillement aux camps supérieurs; de bonnes communications radio sont indispensables pour gérer ce qui n'est pourtant qu'une petite expédition. Pendant ce temps le guide, aidé par les sherpas d'altitude, équipe l'arête sommitale en cordes fixes. La progression de toutes les cordées en autonomie complète est en effet impensable sur cette arête très cornichée, dans une neige friable.
L'assaut est mené en deux jours, tous les membres de l'équipe atteignent l'antécime sud, à 6300 m. La vue est imprenable sur l'Annapurna qui nous domine de près de deux mille mètres. Le Singu Chuli est à deux cents mètres, mais il faudrait encore équiper pendant une journée, et l'avion pour Paris n'attendra pas... Alors n'insistons pas, nous sommes très heureux d'être arrivés jusque-là; il y a d'autres Singu Chuli dans la vie des hommes, comme dirait Herzog. Le déséquipement et la descente s'effectuent sans problème, maintenant que nous sommes acclimatés. Les nuages montent plus tôt que prévu; mais non, c'est la montagne qui brûle! En fait les bergers brûlent l'herbe sèche pour que les moutons retrouvent une herbe plus verte au printemps. Ce qui pose une véritable énigme, l'accès à la vallée étant commandé par une falaise avec passages du 3e degré. Personne n'a pu nous dire où passaient les moutons!
La pluie nous atteint à la sortie des bambouseraies. Elle tombera sans discontinuer pendant 36 heures, gonflant les torrents et transformant les alpinistes en éponges. A Pokhara les journaux nous rappellent à la réalité de l'Himalaya: des chutes de neiges exceptionnelles ont bloqué 500 touristes et fait entre 50 et 100 morts dans le massif de l'Everest et au nord des Annapurnas.