50 ans de cartographie au Népal

Le Népal est aujourd'hui un des pays les mieux cartographiés de la planète (en particulier grâce à Erwin Schneider et plus récemment au projet Finmap). Il n'en a pas toujours été ainsi; chacun a en mémoire les difficultés de l'expédition française de 1950 à reconnaître les accès du Dhaulagiri et de l'Annapurna, à cause de cartes fantaisistes. Pour illustrer cette évolution, voici un comparatif des cartes de l'Annapurna à différentes époques (parce que cette région est l'une des plus connues, et que c'est la plus présente dans ma collection...)


Toutes ces cartes sauf la dernière sont affichées à la même échelle (29,5 pixels/km).

0 5 km

Les cartes militaires américaines...

Carte au 1:250 000e du service cartographique de l'armée des Etats-Unis, série AMS U502, feuille NH 44-16 Pokhara, 1ère édition 1954

Je ne dispose pas de la carte indienne qui a servi à Herzog (si quelqu'un peut me procurer un exemplaire...) En revanche cette carte militaire américaine de la série U502, par ailleurs très lisible et bien présentée, reproduit fidèlement les erreurs de la carte Quarter-Inch (1:253 440e) du Survey of India: un col de Tilicho imaginaire sépare l'Annapurna des Niligiri et l'arête qui ferme le Sanctuaire à l'ouest est mal placée (à l'est et non à l'ouest de l'Annapurna et de l'Annapurna Sud). Le lac de Tilicho est absent! Peut-être était-il gelé au moment des relevés...
Ces cartes de la série U502 sont cependant tout à fait recommandables pour le trekking en Himalaya, là où aucune autre carte n'est disponible. Une deuxième édition a paru dans les années 1960; une série plus récente (JOG) est également déclassifiée mais plus difficile à trouver.


... et soviétiques

Carte au 1:200 000e du service géodésique l'armée soviétique, feuille H-44-36 Pokhara, 1957

Même chose avec cette carte soviétique qui ne mentionne pas ses sources, mais semble également copiée sur la carte indienne. On admirera l'élégance des courbes de niveaux, qui donnent une illusion de précision sur ces paysages partiellement inventés. Les éditions plus récentes (années 1980-1990) ont peut-être été corrigées (quelqu'un peut confirmer?).
Quoi qu'il en soit, les cartes soviétiques au 1:100 000e et 1:200 000e sont irremplaçables dans certaines régions (comme au Cachemire), où rien d'autre n'est disponible à cette échelle. Elles sont difficiles à trouver, et assez fragiles.


les cartes américaines (suite)

Carte au 1:250 000e du service cartographique de l'armée des Etats-Unis, série 1051 Air, JOG-A (Joint Operation Graphic - Air) feuille NH-44-16 Pokhara, 1986

La série JOG qui a succédé aux cartes de la série AMS est maintenant déclassifiée; elle existe dans les versions sol et air. Ci-contre un exemple de la série aérienne, avec des détails utiles aux aviateurs comme l'atitude maximum du relief par carré de 15', mais assez peu de détails toponymiques au sol. La présentation est irréprochable, et le relief de l'Annapurna est enfin exact (même si le chemin imaginaire du “col de Tilicho” subsiste sur cette carte).


Les premières cartes de trekking

Carte Mandala Trekking au 1:125 000e, Round Annapurna Himal, 1990

Il y a une vingtaine d'années, les touristes qui se rendaient au Népal n'avaient à leur disposition que ce type de cartes “au bleu”. Elles permettent au moins de repérer les principaux villages, et de ne pas se tromper de vallée... Ces cartes ont été diffusées à un prix modique jusque dans les années 1990, alors que des cartes plus précises étaient déjà parues.


Carte Nepa Maps au 1:132 000e, Around Annapurna, années 1990

Version en couleurs de la précédente. L'échelle de cette carte, difficile à déterminer en raison de son imprécision, est plutôt proche de 1:140 000.


Carte Mandala Trekking au 1:225 000e, Round Annapurna, 1991

Encore une carte en couleurs, la seule où les courbes de niveaux arrivent à se croiser! Cette carte a son intérêt pour la toponymie, mais ne permet guère de s'éloigner du Tour des Annapurnas.


La carte de l'ACAP

Carte au 1:125 000e publiée en 1988 par l'Annapurna Conservation Area Project

En 1988, l'ACAP — l'organisme chargé de gérer le Parc National de l'Annapurna — publiait la première carte de qualité du massif (relief avec estompage, équidistance 100 mètres, le tracé des chemins reste approximatif). Le tirage sur papier glacé est un peu sombre. Le verso comporte une description du massif et des conseils aux trekkers.


puis vint le Pr Schneider...

Nepal-Kartenwerk der Arbeitsgemeinschaft für vergleichende Hochgebirgsforschung, feuille n°9 au 1:100 000e Annapurna dite “carte Schneider”, Nelles Verlag 1993

Erwin Schneider (1906-1987), alpiniste et explorateur, a participé à de nombreuses expéditions (Kangchenjunga, Lhotse, Nanga Parbat, Pic Lénine, Codillère blanche...). Il est connu pour ses cartes détaillées des principaux massifs du Népal; dans cette série, la carte de l'Annapurna fut publiée après sa mort, mais les touristes la désignent toujours sous le nom de “carte Schneider”.
Outre son indéniable qualité esthétique, cette carte reste la référence pour le relief et les altitudes; la toponymie est assez fidèle. En revanche, les chemins et les ponts ne sont plus très à jour. On la complètera donc par une carte touristique récente.


Les cartes de trekking récentes

Carte Nepa Maps au 1:125 000e, Tilicho hidden lake, 2002

Bon nombre de cartes ont réutilisé le fond le la carte Schneider, en «simplifiant» le relief, en mettant à jour le tracé des chemins et en ajoutant des informations utiles aux touristes (curiosités, commerces, checkposts...). Les Nepa Maps ont publié au plusieurs versions différentes de cette carte (j'en possède au moins trois...)


échelle 59 pixels/km.

0 5 km

La carte officielle du Népal au 1:50 000e

carte topographique du Népal au 1:50 000e publiée par le gouvernement du Népal en coopération avec le gouvernement Finlandais, feuille n° 2883 08 Tilicho, 2001

Etablie en coopération avec Finmap et le gouvernement Finlandais, la carte officielle du Népal couvre maintenant tout le pays au 1:50 000e, et certaines régions au 1:25 000e. Faisant appel aux relevés aériens et au GPS, cette carte n'a rien à envier aux réalisations européennes. Sans estompage, elle est d'une lecture délicate, mais gageons que les éditeurs comme Nepa Maps l'utiliseront bientôt pour leurs séries touristiques (c'est déjà le cas pour la vallée de Naar-Phu, The Lost Valleys).