Kang Guru - Topo

Le trek

L'approche du Kang Guru emprunte le début du tour des Annapurnas au départ de Dumre, sur la route Katmandou - Pokhara (trois heures un jour férié si vous avez un minibus Toyota conduit par un kamikaze, dix heures en bus local s'il y a de la circulation et des travaux...). La route, superbe au demeurant, atteint aujourd'hui Besi Sahar (950 m.), court-circuitant une étape du tour. En dix ans, le tour a ainsi perdu trois ou quatre étapes. Les conséquences pour Besi Sahar, nouveau départ du trek, ne se sont pas fait attendre: le village traditionnel a fait place à un alignement sans âme de béton et de briques. Ces “gratte-ciel” poussent au milieu des rizières, ce qui en atténue la rigueur.

cultures de Simalchaur

On peut choisir ses étapes le long de la Marsyangdi assez librement, chaque village offre suffisamment de “lodges” pour vous accueillir. Un découpage possible jusqu'à Koto: Besi Sahar - Ngadi - Jagat - Dharapani - Koto, mais cela n'a rien d'obligatoire. Essayez de faire au moins une halte à Bahun Danda, perché sur une crête au-dessus des rizières.

variante: le chemin de Besi Sahar à Khudi étant maintenant accessible aux véhicules, on peut l'éviter en changeant de rive à Chanaute. Le chemin s'élève parmi les cultures de Simalchaur, puis rejoint l'itinéraire normal à BhulBule, où se trouve le poste d'entrée dans le parc (la taxe est de 1000 roupies payables à Katmandou, mais le double si on s'en acquitte sur place — les policiers du checkpost veulent par ce moyen dissuader les règlements trop importants en liquide).

rizières de Bahundanda

Jusqu'à Bahun Danda (1350 m.) la végétation est résolument tropicale — rizières, bambous, bananiers, banians... A Syange, on repasse rive droite par un grand pont suspendu, et l'on entre progressivement dans l'étage alpin. Le chemin remonte vers Jagat, perché sur un replat au-dessus d'une gorge (chemin en encorbellement avant Jagat; à Jagat, spécimen de rhododendron d'un fort beau gabarit)

Nouveau changement de rive à Chamgye, suivi d'une raide montée vers Tal (1650 m.), où la vallée forme une petite plaine. Tal est le premier village de style tibétain, chortens et moulins à prière font leur apparition.

variante: au fond le la plaine de Tal, au lieu de traverser rive droite suivre tout droit un chemin en escaliers qui s'élève rapidement. Ce parcours un peu plus “campagnard” vous permettra de dominer de 200 mètres l'“autoroute” de l'autre rive. On rejoint le chemin normal à Karte, peu avant Dharapani.

Dharapani (1900 m.) est au confluent très encaissé de la Dudh Khola, qui vient du Manaslu, et de la Marsyangdi qui oblique ici franchement à l'ouest. Rien à signaler si ce n'est un checkpost, une pâtisserie et un bureau de poste avec téléphone international.

Un peu avant Bagarchhap, quelques sources chaudes et soufrées ne sont plus guère utilisables depuis l'éboulement de 1995. Dommage... Cet éboulement a emporté la moitié de Bagarchhap, reconstruit depuis à l'écart de la coulée. A la sortie de Danaque, une variante intéressante emprunte un raide chemin en escaliers vers Temang et Thanchock. Ce parcours en balcon traverse une forêt de cèdres peuplée de singes et offre de remarquables vues du Manaslu. On rejoint le chemin normal juste avant Koto (2525 m.), dans un bois de pins. Le chemin du bas, plus court de trente minutes, est coupé de nombreux éboulements.

A Koto on quitte la foule du tour des Annapurnas pour suivre plein nord une vallée encaissée — la Phu Khola. Il faut passer le checkpost à la sortie du village; une suggestion: accomplir les formalités en arrivant à Koto, les policiers n'étant pas habitués à voir passer des groupes vers Phu, d'où une perte de temps non négligeable (expérience vécue: une demi-journée pour trouver un responsable compétent!)
Juste après le checkpost, descendre à droite, franchir la Marsyangdi sur un vieux pont suspendu et s'engager dans la vallée très encaissée de la Phu Khola. Le chemin suit un moment la rive puis s'élève dans une superbe forêt (pins centenaires, chênes, frênes et bambous). L'étape Koto-Meta est très longue pour les porteurs (l'arrivée de nuit n'est pas à exclure). Les petits groupes pourront faire halte aux deux tiers du parcours à Dharamsala (maison forestière en dur, à deux étages, sans cheminée: attention aux locaux qui font la cuisine au rez-de-chaussée... On vous aura prévenu!).
De Meta (3530 m.) — “village d'été” de Naar, inhabité à l'automne —, on peut s'acclimater en visitant Naar, sur la rive opposée, et Phu, à une (longue) journée de marche vers le nord (voir ci-dessous).

L'ascension

De Meta, gagner un sentier mal tracé à travers les épineux et s'élever vers l'est dans une combe encaissée. On établira le camp de base vers 4200 mètres sur un replat (relatif), dans une prairie au pied d'une barre rocheuse entre deux torrents. Vue sur le Lamjung Himal et l'Annapurna II.

le Kang Guru depuis Naar

Traverser le torrent de gauche et s'élever dans la prairie, vers une arête que l'on remonte sur 400 mètres, jusqu'à une barre rocheuse, franchie par un ravin sur la gauche (mauvais rocher). Regagner l'arête et la remonter jusqu'à buter sur une falaise que l'on longe sur la droite, pour trouver un vaste éboulis au pied d'un glacier — la plus à gauche des trois langues glaciaires clairement visibles depuis Naar. Remonter cet éboulis par une traversée ascendante à droite, et gagner un plateau vers 5200 m. Bon emplacement de camp 1 en contrebas; belles vues de l'Annapurna et du Tilicho.

Du camp 1, franchir la moraine vers l'est et traverser à peu près à flanc une zone d'éboulis (cairns) jusqu'au fond d'une gorge, au pied de la seconde langue glaciaire; par une rampe ascendante à droite (main courante utile s'il y a de la neige), prendre pied sur une moraine et la suivre jusqu'à la troisième langue glaciaire. Remonter ce glacier peu incliné vers sa rive gauche, jusqu'à un replat rocheux au pied de l'arête SW du Kang Guru, emplacement du camp 2 (vers 5800 m.); superbe vue de toute la chaîne des Annapurnas et du Dhaulagiri.

Du camp 2, suivre l'arête SW du Kang Guru, d'abord peu inclinée, jusqu'à une zone rocheuse, après quoi la pente se redresse (40°, cordes fixes utiles mais pas indispensables). Longer l'arête sur la droite jusqu'à son raccordement avec l'arête ouest (vers 6400 m.). La (longue) arête ouest ne présente plus de difficultés jusqu'au sommet (que je n'ai pas atteint... Dommage car on y découvre le Manaslu et tout le Peri Himal, sans parler de la vue sur les Annapurnas — surtout agrémentée d'une mer de nuages).

Naar et Phu

Séjour d'acclimatation ou balade d'après-expé, ces deux villages valent le détour. A mille lieues des “lodges” du tour des Annapurnas, on se retrouve en pleine ambiance «Himalaya, l'enfance d'un chef»: maisons en pierres sèches et aux toits plats tassées les unes contre les autres — on passe de l'une à l'autre par des échelles taillées dans un tronc d'arbre, yacks et drapeaux à prière... Pas de lodge ici, il faut camper ou loger chez l'habitant: celui-ci, très accueillant, ne manquera pas de vous proposer un bol de thé au beurre. Suggestion: ne pas s'attendre à du thé, mais plutôt à un bouillon. Et ça passe...

Naar

Naar: de Meta, suivre le chemin de Phu au nord puis descendre vers un pont de bois impressionnant qui franchit la Phu Khola. Une raide montée débouche sur un plateau où l'on est accueilli par un superbe alignement de chortens (carte postale immanquable avec le Kang Guru en toile de fond). Le village de Naar (4000 m.) est blotti au pied d'une falaise, laissant tous les terrains plats aux cultures.
Une “bosse” à 4800 m. domine Naar, offrant un bon aperçu du Kang Guru et une vue plongeante spectaculaire sur le village.
Les trois gompas se visitent (demander la clef au sacristain!)

Phu

Phu: de Meta, le chemin traverse prairies et bois de genévriers, vers les alpages de Chako et Keyang. Après quoi la vallée se rétrécit en une gorge sauvage, où les habitants de Phu ont tracé un impressionnant chemin en encorbellement. La gorge débouche sur un confluent et la Phu Khola s'infléchit vers l'ouest. Le chemin franchit un verrou par de multiples ouvrages d'art, un portique puis un chorten annoncent l'arrivée à Phu (4000 m.). Le village ne se découvre qu'au dernier moment, perché sur un piton pour se protéger jadis des incursions tibétaines. La “vieille ville” a fière allure, presque une citadelle, avec ses maisons à plusieurs étages serrées au sommet du piton.
Phu est, comme Naar, dominé par une “bosse” à 4800 m. d'où l'on découvre un panorama presque complet du Peri Himal.
Les deux villages ont l'électricité (turbine à Naar, panneaux solaires à Phu).
Un important monastère se dresse sur une colline voisine (inoccupé lors de mon dernier séjour; visite possible).

Bibliographie

Windsor Chorlton: Les Bothia (Cloud dwellers of the Himalayas), éditions Time-Life 1982
compte-rendu d'une expédition ethnographique de plusieurs mois à Naar et Phu